Les prénoms africains, une fierté culturelle
L’hiver battait son plein en ce mois de décembre. Dehors, il était impossible de distinguer le jour de la nuit. Il se résolut d’affronter ce froid et rejoindre le lot d’étudiants du Master 1 communication numérique. La classe contrairement à celle de ses cours à Abidjan regorgeait peu d’étudiants ; ce qui le surprit. Il était habitué à prendre des cours dans une classe pleine à craquer. L’air tout timide, il prit place dans l’un des sièges arrières de la classe. Il admira ces nouveaux visages qui allaient désormais faire partie de son quotidien durant les deux années de formation à venir. L’entrée du professeur de stratégie et innovation mit de l’ordre dans ce joyeux désordre.
Des noms et prénoms très particuliers
Après s’être présenté et avoir défini en quelques mots l’objectif de son cours, M. Beau Fessier, le professeur, demanda à chacun de se présenter. Les noms et prénoms, il y en avait de toutes sortes allant du chinois au russe : Sung Yang, Patrick Pigeon, Marc le Groin, Isabelle La bête…
Il y eut des moments où à l’écoute de certains noms, il restait ébahi. Lorsque vint son tour, il se présenta avec son prénom africain. Je m’appelle Koffi, lança-t-il. À entendre ce nom, le professeur lui demanda s’il était issu de la famille de l’ex-secrétaire générale des Nations Unies (ONU) Kofi Annan.
Non, répondit-il. Il lui fit savoir que les Koffi, en réalité, on les retrouvait un peu partout sur le continent africain. Il continua de lui expliquer que le Koffi de Côte d’Ivoire dont il était originaire, s’écrivait avec deux « FF » contrairement à celui du Ghana avec un seul « F ».
Koffi, un prénom africain qui rappelle son origine
Avec un air taquin, M. Beau Fessier lui confia que la résonance de son prénom africain faisait allusion au « Coffee » en anglais. Koffi sourit et lui répondit que le café était justement aussi une des richesses de son pays. Il aurait bien pu se présenter avec son prénom français « Pascal » mais il trouvait cela un peu égoïste de sa part. Porter un prénom africain l’identifiait et rappelait ses origines, son jour de naissance et sa culture.
Non, il n’était pas xénophobe loin de là, il faisait partie d’une classe qui revendiquait l’authenticité africaine. C’était avec plaisir qu’il expliquait à ses nouveaux compagnons que dans son peuple issu du centre de la Côte d’Ivoire (le Baoulé), chaque prénom correspondait à un jour de la semaine. Le mien était un prénom donné aux garçons nés un samedi.
Certains benguistes peu fiers de leurs prénoms africains
Nombreux enviaient cette culture, d’autres n’arrêtaient pas de lui demander quel prénom aurait-il porté s’ils étaient nés dans sa tribu Akan. S’il acceptait avec fierté de porter son prénom africain dans ce continent européen, cela n’était pas le cas pour bon nombre de ses compatriotes. C’est l’exemple de son ami Kouadio, prénom africain donné aux garçons nés un mardi.
« Écoutes Koffi, je ne suis pas content de toi. Tu sais bien que nous ne sommes plus en Afrique, mais en Europe. Alors, cette manière de m’appeler comme si nous étions au pays franchement cela me gêne et surtout quand je suis en compagnie de mes amies européennes. Je te le dis avec beaucoup de respect, appelles-moi Cédric Rayanne. Le jour où tu me verras au pays, tu pourras m’appeler « Kouadio » si tu le veux« , lança-t-il à Koffi, un de ces jours.
Porter son prénom d’origine, un signe de non-intégration ?
Koffi tombait des nues, donc porter son prénom d’origine africaine en Europe est signe de non-intégration ? Il y a une catégorie de benguistes, les Africains en Europe, qui ne finira jamais de surprendre. Porter son prénom français octroie-t-il automatiquement l’intégration au sein d’une société européenne ? À ce point, Koffi risque de ne jamais s’intégrer, car il s’appelle Koffi. Toutefois, il décida de le revendiquer là où il sera, parce que c’est son prénom, son identité. Oui, Koffi, c’est bien son prénom !
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