Non, rentrer ce n’est pas échouer
La dernière fois, j’échangeais avec une amie benguiste congolaise que j’ai rencontrée à la bibliothèque universitaire. Elle m’expliquait que ses parents au pays l’avaient interdit de rentrer chez elle. À vrai dire, comme vous à l’instant T, j’ai été un peu choqué.
Quand ses parents s’opposent au retour de notre benguiste au pays
Choupette, c’est son prénom, séjourne en France depuis plusieurs années pour les études. « Mon cher, je finis mes études cette année. Lorsque j’ai dit à ma mère que je rentrerais bientôt, elle a piqué une de ces crises ».
« Ô ma fille, qu’est-ce que tu viendras faire ici ? Hein ? C’est la honte que tu veux mettre sur moi ? Tu imagines ce que les gens diront et raconteront si tu rentres? Pardon, restes là-bas, c’est mieux. Ne pense même pas un instant à rentrer. Oublie ça ! Ô, qu’est-ce que tu viendras chercher ici, dans ce pays où la pauvreté et le chômage ont pris le dessus ?
Tu veux venir faire quoi ici, dis-moi ? Errer dans les rues ou rester couchée à la maison comme beaucoup de jeunes ici ? Non, ne me fais pas ça, reste là-bas ! Moi et ton père, on fera tout pour que tu ne manques de rien. Toi, tu as la chance de quitter ce pays où la vie est de plus en plus difficile. Tu as eu la chance d’aller en France, chez les blancs et tu veux revenir pour souffrir ici ? C’est ça ? S’il te plaît, ma fille reste là-bas, il n’y a rien au Congo. On ne veut pas te voir ici ! »
Voici ce que maman m’a fait sortir lorsque je lui ai fait part de mon vœu de rentrer. Elle ne m’a même pas laissé le temps de lui expliquer pourquoi je voulais rentrer. Je veux rentrer, parce qu’après tout c’est mon pays non? Je veux rentrer parce que le pays me manque, ma famille, mes amis, mes connaissances…
Rester ou rentrer, une question d’objectif, de vision de chaque benguiste
Je veux rentrer, parce que je me sens mieux chez moi, ici la vie est si difficile et dure à mener avec son lot de contraintes (titre de séjour, intégration, emploi…). Je veux rentrer parce que je souhaite travailler ou entreprendre au pays.
Trouver du boulot ici n’est pas une mince affaire, les impôts ne badinent pas avec ceux qui désirent entreprendre. Ne suis-je pas libre de rentrer chez moi ? Maman laisse-moi rentrer. Mon pays m’appelle, mon continent me réclame. Non, rentrer ce n’est pas échouer.
Je l’écoutais religieusement relater ces conversations avec sa mère. Choupette n’avait pas tort. Du tout ! Rentrer chez soi, au pays, est-ce synonyme d’échec ? Non, cela ne veut forcément pas dire qu’on est passé à côté de la réussite. Même si dans le jargon ivoirien, on dit que « galère de « Bengue » (Europe) est mieux que galère du pays ».
En effet, beaucoup de nos amis, de nos connaissances, des membres de nos familles pensent que rentrer au pays c’est échouer et que rester en Europe, c’est réussir. Non ce n’est toujours pas vrai. Il y a plusieurs Africains qui sont rentrés et qui respirent la vraie réussite et la prospérité.
Par contre, certains d’entre eux qui ont décidé de rester sont toujours en quête du mieux-vivre. Ils se cherchent eux-mêmes et pour la plupart ne se sont pas encore retrouvés. Telle est la réalité ! Ce n’est donc pas une affaire de verbes : rester ou rentrer. Non, c’est une question d’objectif, de vision, de volonté, de destin…
Le plus important est de laisser et de ne point juger celui ou celle qui choisit de rester ou de rentrer. Ma chère choupette, saches que tu es libre de faire ton choix : le choix qui vient du plus profond de ton cœur.
Et peu importe les « que-dira t-on » ? Ta maman comprendra un jour, tes amis, tes connaissances aussi… Parce que rentrer, ce n’est pas échouer. Non !
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