Benjamin Yobouet

Féminisme : ne nous trompons pas de combat

J’ai découvert, il y a quelques semaines seulement, le manuel « Tu seras un homme – féministe – mon fils ! ». Comme vous, sûrement, ce titre a suscité en moi surprise et curiosité à la fois. Je ne l’ai certes pas acheté ni lu entièrement. J’ai toutefois effectué des recherches et lu quelques extraits naturellement autour du féminisme.

Aurélia Blanc notre auteure est enceinte à l’époque. Elle cherche une œuvre pour l’aider dans l’éducation de manière féministe pour son petit garçon qu’elle attend. Malheureusement, Aurélia ne trouve rien sur le marché. Alors, elle décide d’écrire et de publier un manuel à ce sujet.

La couverture du manuel "Tu seras un homme-féministe-mon fils"
La couverture du manuel « Tu seras un homme-féministe-mon fils ». Crédit Photo : janedanslajungle/simonae.fr

Inculquer une éducation féministe aux garçons

Oui, vous avez bien LU et compris. Il s’agit d’inculquer dorénavant une éducation féministe aux petits garçons. Car dit-on, il n’y a pas d’âge pour parler de féminisme. Mieux, à travers cet ouvrage, l’on estime qu’il ne faudrait plus éduquer les enfants – garçons comme avant. Il faudrait plutôt les éduquer d’une nouvelle façon de sorte à promouvoir et garantir une société plus libre et égale. Casser les idéaux tels que « Un homme ça ne pleure pas, ça ne fait pas de sentiment, ça collectionne les meufs, ça fait passer son travail avant ses enfants, ça peut porter la couleur rose… »

A ce propos, j’ai vu plusieurs personnes et particulièrement des femmes et/ou des féministes applaudir à tout rompre la sortie de « Tu seras un homme – féministe – mon fils ! ». Pour certaines, c’est une très bonne nouvelle ! Pour d’autres, un ouf de soulagement ! On le voit clairement, le féminisme est à l’honneur.

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Du coup, j’ai moi-même envie d’applaudir aussi. Tout ça, c’est bien beau et joli. Mais cela m’emmène à me poser la question suivante. C’est quoi réellement le féminisme ? C’est peut-être moi qui ai une mauvaise compréhension de ce mouvement. Possible !

Liberté des femmes et égalité homme-femme, vive le féminisme !

On est d’accord que le féminisme est une conviction : l’égalité homme-femme. C’est le fait pour les femmes d’avoir les mêmes droits et devoirs que les hommes. On est d’accord également que c’est le fait de donner l’opportunité aux femmes de pouvoir s’exprimer, de pouvoir créer, de pouvoir entreprendre, d’occuper de hautes responsabilités.

Leur permettre de se sentir bien dans leur peau, de s’assumer librement, d’arrêter de les chosifier, de les instrumentaliser…C’est enfin reconnaître les valeurs de la femme et non pas comme un sexe faible entre autres la force, l’intelligence, la capacité à mener des actions au même titre que les hommes.

Si on est d’accord sur tout ce qui précède, pourquoi certaines femmes pensent que le féminisme c’est ne plus assumer, comme il se doit, son rôle de mère et d’épouse dans le foyer ? Je dis « certaines » parce que je ne vais pas verser dans la généralité. Pourquoi certaines veulent mettre les hommes de côté et ne plus les inclure dans le débat social ?

Le féminisme radical parfois mal perçu

Il y a même certaines femmes qui, dès qu’elles décrochent des prix ou portent des titres honorifiques deviennent automatiquement des féministes très engagées, radicales et déterminent sans cesse leur différence dans une société où les hommes sont toujours leaders. Tel que perçu, on peut le dire sans faux-fuyant que le féminisme offre de plus en plus une image négative. Et ce n’est pas une bonne nouvelle !

Non mesdames et mesdemoiselles les féministes, les hommes ne sont pas vos ennemis jurés et ne doivent pas l’être d’ailleurs. Ce n’est pas contre les hommes qu’il faut se battre pour obtenir votre liberté et votre égalité dans la société. Je n’ai peut-être pas besoin de vous le dire. Mais vous savez qu’il existe des femmes antiféministes qui ne se reconnaissent plus ou pas du tout dans ce mouvement.

Inclure tout le monde pour un même combat

Plusieurs hommes, au contraire, s’investissent chaque jour dans le combat contre l’inégalité. HeForShe, ça vous dit ? C’est la campagne de solidarité lancée par l’ONU Femmes dont l’objectif est de faire participer les hommes et les garçons dans le combat pour l’égalité des sexes. Tous ces hommes et garçons ont-ils eu besoin d’abord d’éducation féministe ? Non !

campagne HeForShe
Une des campagnes de HeForShe pour les droits des femmes. Crédit Photo : onufemmes.fr

Loin de détester l’ouvrage « Tu seras un homme – féministe – mon fils ! » d’Aurélia Blanc, je pense qu’il faudrait réorienter les choses et ne pas se tromper de combat. Il faudrait inclure tout le monde (hommes et femmes) pour une société plus juste et égale. Ce n’est pas forcément en inculquant une éducation féministe aux garçons que les choses changeront.

Nous les hommes, sans même éducation féministe, aimons les femmes. Nous continuerons de vous aimer, de vous protéger et de défendre vos droits. Alors, je le dis et le redis : ne nous trompons pas de combat. Excellente journée internationale des droits à vous braves femmes !

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J’aurais dû, moi aussi, être un héros

J’aurais dû être, moi aussi, un héros benguiste en France. Très sincèrement, ne riez pas ! Comme mes compatriotes Lassana Bathily et Mamadou Gassama, j’aurais dû être honoré, mais bien avant eux. Je me souviens, il y a trois ans, à Toulon vers le centre commercial Mayol,  j’ai sauvé une personne âgée contre le mistral (un vent fort) qui a failli l’emporter.

Vous me direz que c’était une vieille personne et que sauver un enfant ou un bébé est encore mieux. Vous avez peut-être raison. Toutefois, qu’on soit enfant, adolescent ou adulte, il s’agit toujours d’un être humain. Et même si c’était un animal, comme le chat ou le chien, qui sont des animaux d’ailleurs très prisés par les français, j’aurais été un héros. Parce que j’aurais sauvé une vie.

Moi benguiste et super-héros

Donc sans moi, la vielle dame française qui vacillait allait se retrouver facilement à terre. Cela aurait été une catastrophe ! Imaginez-vous un instant… Il est vrai qu’elle n’avait plus de dents, donc impossible de perdre ses dents… Mais elle aurait pu se cogner la tête ou la nuque ou encore se casser la mâchoire tout simplement. Elle aurait même pu perdre la vie sur le moment. Heureusement que j’étais là comme un super héros, comme Batman ou comme Spiderman, au bon moment et avec les gestes qu’il faut.

Hélas, il n’y avait pas de caméra ni d’appareil mobile autour de moi, personne n’a filmé la scène. Mince alors ! Mes amis Mike et Wilfried n’étaient pas là pour immortaliser la scène ! Je ne sais même pas où ils se trouvaient ces deux-là au moment de l’action. Quand on a besoin d’eux, jamais ils sont présents, jamais disponibles à l’instant « T ». Et voilà, moi super héros, je suis resté dans l’anonymat total. Oups, ou c’est peut-être parce j’étais en province à Toulon et non à Paris ou en île de France ? Mince !

J’aurais été populaire comme Lassana et Gasssama

La vidéo de la scène aurait fait le tour du monde et interpellé le président François Hollande en son temps. J’aurais obtenu la nationalité française pour avoir sauvé une vieille dame de 90 ans. Cet acte de bravoure là aurait suscité un intérêt médiatique fou. J’aurais arraché une centaine d’interviews, fait des plateaux télé,  des émissions de radio, et la Une des journaux et magazines c’est sûr.

J’aurais reçu les vives félicitations du président ivoirien Allassane Ouattara et de tout son gouvernement. Le président ivoirien m’aurait peut-être proposé de rentrer au pays et d’intégrer facilement l’équipe des sapeurs-pompiers d’Abidjan. J’aurais été une fierté pour le peuple ivoirien et un modèle de réussite. J’aurais même été reçu par l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris que je n’ai jamais vu, bien que nous vivions sur le même territoire.

La scène n’a pas été filmée, quel dommage !

Malheureusement, la scène n’a pas été filmée et personne ne saura jamais le héros que j’ai été sauf bien sûr le bon Dieu et la bonne vieille dame. J’aurais été le premier ivoirien à être consacré héros en France. On se serait souvenu enfin de moi. On se serait souvenu de ce pauvre étudiant que je suis, disposant d’un titre de séjour d’un an, et qui doit le renouveler chaque année. Certes, ce serait différent de mes compatriotes Lassana et Gassama qui étaient des sans-papiers. Peut-être que certains français auraient moins râlé en sachant que j’avais au moins un titre de séjour, que j’étais en situation régulière avant d’être naturalisé.

Il y a une amie qui a eu le toupet de me dire ceci : « Mon frère, voilà depuis plus de quatre ans que tu es en France, en situation régulière. Tu as étudié et même obtenu un diplôme français. Tu n’as jamais commis d’infractions ni eu de soucis avec la justice française. Mais voilà que tu as toujours un titre de séjour d’un an à renouveler chaque année…et jusque-là tu n’as même pas obtenu la nationalité encore moins la résidence. Voici notre frère Gassama qui, en moins d’un an, a eu sa nationalité. Il n’a même pas fait de rang kilométrique à la préfecture ».

Je lui ai répondu ma sœur : « Est-ce que j’ai été filmé quand j’ai sauvé la vieille de 90 ans il y a trois ans ? Elle a répondu : non ! Et ben voilà, lui ai-je lancé en pleine figure !

La chance sourit à qui elle veut. Bravo Mamadou Gassama !

Ce n’est pas bien grave. De toutes les façons, tout ça c’est du passé maintenant. C’est Lassana et Gassama qui m’ont rappelé cet épisode de ma vie en France. Hommage à tous les « Gassama », qui comme moi, sont tombés et resteront dans l’anonymat à jamais. Certes, le président  Macron a dit que la naturalisation de Gassama était une exception et que ça ne se répétera plus. Oui, mais qui risque rien n’a jamais rien. Peut-être qu’il y aura un troisième malien super héros en France. Qui sait ? Sait-on jamais. La chance sourit à qui elle veut. Bravo Gassama ! Point. Si vous n’êtes pas contents, eh bien allez-vous faire filmer vous aussi en escaladant des étages pour sauver une vie. Un enfant et surtout, à Paris.

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La fille du TGV

Elle avait les lèvres roses bonbons. À chacun de ses sourires, son petit visage de chat doré s’illuminait. Elle portait un collant noir transparent qui laissait entrevoir ses cuisses d’antilopes. Ses fesses bien arrondies et rebondies posées confortablement dans le siège de la SNCF étaient enveloppées dans une petite jupe rouge qui lui prenait bien la taille.

Elle était certes assise mais on pouvait facilement lui donner 1 mètre 80. Malgré le froid qui faisait dehors, elle portait des petits mocassins. En dessous, on pouvait apercevoir ses jolis chaussons en filets noirs. Son chemisier était blanc comme les flocons de neige qui tombaient de l’autre côté des fenêtres du Train à Grande Vitesse (TGV). L’air était très frais et doux, pareil à l’odeur qu’elle dégageait. J’étais prêt à mettre ma main au feu qu’elle portait le parfum « La vie est belle » ! D’un regard indiscret, j’inclinais ma tête et je découvris avec soulagement que c’était vraiment le fameux parfum. Bingo !

Comme dans une salle de ciné… dans le TGV

Le TGV roulait à vive allure, direction Paris Montparnasse. On venait d’atteindre les 300 Km/h. Elle restait sereine et imperturbable devant son iPad or avec ses écouteurs sans fil beat blanc-or. Elle matait un film très intéressant. Il n’y avait pas de doute là dessus car cela se ressentait à travers les multiples expressions qui se dessinaient sur son visage. Tantôt, elle affichait un sourire, tantôt, elle fronçait les sourcils et parfois elle ouvrait légèrement sa bouche fine en signe d’étonnement. On aurait dit qu’elle se croyait dans une salle de ciné. Oui, parce qu’elle se donnait à cœur joie de déguster son pop-corn posé juste à droite devant elle. D’une main gracieuse, elle exécutait le mouvement de va et vient du paquet de pop-corn à sa bouche sans gâcher son « rose à lèvres » qu’elle avait appliqué.

Elle attisait toutes les convoitises…

Ses magnifiques cheveux blonds qui tombaient sur son dos s’affrontaient parfois avec sa belle écharpe. Alors comme une enfant, elle ne se gênait pas à jouer avec ses cheveux qui dégageaient une odeur agréable et qui envahissait la voiture 16 du TGV.  Deux heures durant, elle attisait toutes les convoitises y compris pour les benguistes. Les regards se posaient sur elle sans qu’elle ne fasse d’effort ou sans qu’elle ne s’aperçoive telle une innocente – coupable. Il ne fallait surtout pas la déranger devant son écran 11 pouces. Elle restait captivée !

Elle, c’était tout simplement la fille du TGV

J’étais son voisin de siège dans le TGV qui avalait de plus en plus les kilomètres. Alors que je m’apprêtais à briser le silence, la voix rocailleuse du chef de bord du TGV retentit : « Mesdames et messieurs dans quelques instants, nous desservirons la gare de Bordeaux. Prochain arrêt Bordeaux ! N’oubliez pas de vérifier… ». Elle rangea avec une célérité impressionnante toutes ses affaires dans son grand sac à main rouge très chic et se leva. Pris de court, je la regardais impuissant s’éloigner et se diriger vers la sortie. Je lui lançais un peu à tue-tête : « Bonne journée à vous ». Elle se retourna et me fixa avec ses yeux bleus toute souriante et lâcha : « Merci, à vous également. C’est gentil ! ». Et elle disparut à jamais…
Elle, c’était tout simplement la fille du TGV.


À l’ex de mon ex

Bonjour très cher, j’espère que tu vas bien. J’imagine déjà ta surprise en recevant cette lettre. À vrai dire, nous ne nous connaissons vraiment pas . Pourtant, j’ai beaucoup entendu parler de toi. Je l’avoue, c’est un peu flippant. Mais rassures-toi, je viens avec de bonnes intentions.

En fait, je viens te parler d’Yvette. Oui Yvette et moi avions vécu deux bonnes années ensemble avant de nous séparer par suite de plusieurs incompréhensions. Aujourd’hui, cela fait plus de quatre ans que nous sommes devenus de simples amis.

Etre des ex et devenir de bons amis

Oui comment cela peut-il être possible ? Comment devenir de bons amis après avoir vécu une histoire d’amour et s’être séparés ? Comme toi, beaucoup de personnes se posent et continuent de se poser la même question ? Existe-t-il une vraie amitié entre une femme et un homme surtout quand ces derniers sont des ex? Oui, je crois en l’amitié après l’amour. Nous croyons fermement à cet adage qui dit : « Après l’amour, ce n’est pas la guerre ». Alors si ce n’est pas la guerre pourquoi cela ne transformerait-il pas en amitié pure et vraie ?

Tu sais, il y a des personnes qu’on rencontre et qui s’en vont comme elles étaient venues. Par contre, il y a d’autres qui vous marquent à vie. Et je crois qu’Yvette fait partie de ces personnes-là malgré nos multiples disputes et incompréhensions d’hier.

Crois-moi Yvette et moi, il n’existe plus rien entre nous que de l’amitié. Je te le dis en toute sincérité et je veux que tu le saches. S’il y avait encore quelque chose entre nous, je ne serais pas venu vers toi. Ceci pour te rassurer de tous soupçons.

Des confidences entre ex, ça existe aussi

En tant qu’amis, nous avons, au fur et à mesure, pris l’habitude de nous faire des confidences. Nous avons eu l’habitude de partager nos joies et nos peines. Je parle souvent de ma nouvelle vie de couple, de mon travail, de mes projets. Et je peux te dire qu’Yvette n’a jamais hésité à me prodiguer des conseils ou à m’apporter son soutien quand elle peut.

Il y a quelques semaines, Yvette m’a parlé de votre relation de ces bons moments que vous avez passés ensemble. Elle m’a parlé aussi et surtout de ces incompréhensions et disputes qui ont meublé votre relation. Très sincèrement, j’étais triste pour elle à l’idée de vous voir séparés.

En effet, lorsqu’elle parlait de toi, Yvette avait toujours les larmes aux yeux. Elle était terriblement attristée. Je ne l’ai jamais vu aussi triste. Depuis ces quelques mois de votre rupture, elle n’arrive plus à vivre correctement. C’est dur et terriblement dur pour elle. Elle se lamente à longueur de journée et pleure presque toutes les nuits. Manger est une corvée pour elle. Beaucoup comme moi, avait cru que cela lui passerait mais voilà plus de quatre mois que ça dure. Non, ça ne peut plus durer. Il faut faire quelque chose.

Participer à votre réconciliation

Après plusieurs réflexions et avec beaucoup de recul, je viens plaider auprès de toi. Je sais que je ne suis pas très bien placé pour le faire. En tant que son ex, c’est une démarche un peu contradictoire. Tu me diras peut-être pourquoi je ne la reprends pas ou pourquoi moi qui l’ai laissé il y a cinq ans, je viens aujourd’hui prendre sa défense. C’est peut-être vrai tout ça.

S’il y a un regret que j’ai aujourd’hui c’est d’avoir laissé partir une fille comme Yvette. Certes, nous avions connu beaucoup de disputes. Les disputes, il en existe dans toutes les relations. Yvette est et restera une bonne fille. Une fille remplie de valeurs qu’on retrouve peu à notre époque : respectueuse, soumise, gentille, attentionnée…Tu pourras continuer la liste. C’est vrai qu’elle est souvent un peu dure d’oreille et un peu trop éveillée mais cela n’enlève en rien ces qualités. Tu es d’accord avec moi qu’il n’existe pas d’Homme parfait et sans défauts.

Ne commets pas la même erreur que moi

Alors très cher, je suis venu te dire de ne pas gâcher cette belle histoire d’amour que vous avez entamée il y a deux ans. La vie est faite de hauts et de bas. Je sais que tu l’aimes, je le sais à partir des récits de votre relation. Quand un homme aime une femme il n’y a pas milles façons de le savoir. N’écoute pas les autres autour de toi, écoute une seule voix : ton cœur. Fais fie de ton orgueil d’homme et fais le premier pas. Yvette t’attendra les mains grandement ouvertes pour t’accueillir.

Je serai très heureux de vous revoir ensemble. Très sincèrement, je vous souhaite plein d’amour et de bonheur. Je ne le fais pas seulement pour Yvette. Mais je le fais aussi et surtout pour sauver un couple, un amour. Merci de m’avoir lu. Très cher, ne commets surtout pas la même erreur que moi d’il y a cinq ans. Joyeuse fête de Saint Valentin à vous !


Au nom des papiers

Épouse-moi mon pote”, c’est le titre de la comédie française réalisée par Tarek Boudali, sortie le 25 octobre dernier. L’avez-vous regardée ? Non ? Alors, petit résumé pour vous. Dans ce film, Yassine, un jeune étudiant marocain, vient à Paris faire ses études d’architecture avec un visa étudiant. Suite à un événement malencontreux, il rate son examen, et se retrouve en situation irrégulière. Pour y remédier, il se marie avec son meilleur ami pour les papiers. Alors qu’il pense que tout est réglé, un inspecteur tenace se met sur leur dos pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc.

https://www.youtube.com/watch?v=Tozp8CnuPpI

Épouse-moi mon pote, expression pleine de curiosité

Si, comme moi, vous l’avez déjà vu tant mieux car c’est ce film qui a inspiré ce billet. Je suis sûr et certain que la phrase “épouse-moi mon pote” a suscité en vous un étonnement, comme beaucoup d’ailleurs. C’est normal ! Même si de l’amour à l’amitié, il n’existe qu’un seul pas, la demande en mariage d’un ami choque. La résonance “épouse-moi mon pote” attise bien une curiosité. Une curiosité qui a poussé plusieurs de mes amis à visionner sur YouTube la bande-annonce de cette comédie française.

Notre imagination pourrait nous envoyer sur plusieurs figures de demande. La première : une déclaration romantique d’une amie à son confident indécis. Ce qui est tout à fait possible ou pourquoi pas d’un ami à un ami ? Stop là ! Allez, pas la peine de s’alarmer, nous sommes au 21e siècle. N’est-ce pas ? Le siècle de l’égalité des sexes et du mariage pour tous, en France notamment. On comprend pourquoi certaines personnes (cinéphiles, critiques, associations…) se sont indignées dès la sortie de ce film en le qualifiant d’homophobe. Bon, ceci n’est pas le débat et encore moins l’objet de ce billet.

Si la formulation de notre billet laisse paraître un air joyeux, autant vous le dire, il ne l’est pas à cent pour cent. Et pourquoi ? Pour la simple raison qu’il exprime un désespoir et nous introduit dans un monde de business. Mes ami-es, serrez vos ceintures pour l’atterrissage dans le monde des sans-papiers en Europe.

Se marier pour régulariser sa situation

Dans les quatre coins du continent européen, cette phrase (épouse-moi mon pote) n’est plus un choc. En tout cas, pas dans le monde des benguistes ou des immigrés. L’obtention du titre de séjour ou de la naturalisation par le biais d’un mariage est l’une des premières solutions. On appelle cette pratique communément un “mariage blanc”. Pour la rondelette somme de 15000 euros en moyenne, vous pouvez épouser votre voisine ou votre jardinier. Bien entendu, si celui-ci ou celle-là, est partant(e) pour ce business.

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Étrangers – France . Crédit : @Larive – Source : pixabay.com

En Europe, de nombreux immigrés portent officiellement le statut d’homme ou de femme légalement mariés par des voies pas très catholiques. Ne vous y avisez pas pour leur demander. Ce sont des secrets qui ne se révèlent pas au premier venu. On est juste marié et point barre. Les mariages contractés dans un business sont passibles d’annulation. Les démarches s’opèrent donc dans le secret.

La solution selon Seck

Un soir, alors que je descendais des cours, je pris place dans un jardin à quelques mètres de la fac, l’air très pensif. Les tracasseries du titre de séjour, la recherche de stages, d’emplois, le changement de statut d’étudiant à salarié… Des soucis qui me turlupinent toujours. C’est alors que je me suis rappelé de Seck, ma voisine d’origine sénégalaise. Elle m’avoua qu’à la fin de ses études, elle avait flanqué une grossesse à un vieux français. Non par amour, mais juste pour les papiers. Elle me murmura ceci avant de s’en aller.

“Mon frère, tu es un homme, les filles blanches adorent les blacks, tu as la solution pour tes papiers entre tes jambes. Dans le cas contraire, cherche de l’argent afin de porter l’identité d’une autre personne.”

Ne soyez pas étonné. C’est aussi un autre moyen pour avoir ses papiers en règle. Porter l’identité d’un défunt. Je ne saurai vous donner plus détails là-dessus car elle ne m’a pas donné plus d’explications, d’autant plus que je ne lui ai pas demandé. Des hommes et des filles comme ma voisine, il y en avait dans chaque pays de l’Europe. Leur refrain : “situation oblige” comme ç’a été le cas de Yassine dans le film “Épouse-moi mon pote”.

Je ne sortirai pas de ce pays sans mes papiers

Rosine, la petite sœur d’un ami, me raconta que “ce business de papiers” se faisait aussi entre les africains eux-mêmes. Je restais ébahi. C’était une sorte d’entraide entre immigrés de même nationalité. Ceux ou celles qui avaient les papiers en règle signaient un contrat de mariage avec un ressortissant du même pays. Ne croyez pas que cela se fasse gratuitement. Non ! Sans argent, n’y pensez même pas. Rosine toute confiante m’avoua qu’elle préférait tomber enceinte du premier français qu’elle croiserait. Elle ne désirait pas de contrat de mariage avec un de ses compatriotes.

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Mariage mixte. Crédit : @Torbjornalander – Source : flickr.com

Selon elle, les africains non seulement étaient chers, mais en plus, ils ne respectaient pas très souvent les clauses du contrat. Elle termina son récit en me demandant pourquoi elle devrait chercher un noir pendant qu’elle se trouvait à la source : les hommes français. “Je ne sortirai pas de ce sol sans mes papiers”, a-t-elle martelé. Sa chasse aux blancs avait commencé ! Ses cibles étaient les vieux. Ils étaient les premiers à tomber sous le charme des jeunes filles africaines, croqueuses de l’or blanc. Cela fait penser également à certains couples africains qui n’hésitaient pas à faire un enfant ou plusieurs, juste pour avoir un titre de séjour. Ça donne à réfléchir. Toutes les cartes se misaient pour l’obtention des papiers. Peu importe tant qu’il garantit un bien-être.

La rencontre d’Okemba avec Aboubakar, le démarcheur

Okemba, un ressortissant congolais, me relata lui aussi des faits qu’il avait vécus en Espagne.

“Tu sais, les affaires de titre de séjour, c’est pareil partout. J’ai rencontré Aboubakar, originaire du Sénégal, et Bonan du Cameroun. Ils venaient tous les deux de mettre les pieds en Espagne, mais ils ont vite obtenu leurs titres de séjour permanent. Mais crois-moi au prix d’une coquette somme qui pouvait monter un projet dans leurs pays d’origine. »

Il fit la rencontre d’Aboubakar lorsqu’il se rendit au service de renouvellement de titre de séjour des étrangers. Aboubakar lui confia discrètement qu’il avait « une solution » pour lui. Il connaissait, en effet, un réseau qui pouvait lui faciliter le changement rapide de statut. En fait, Aboubakar avait une liste d’hommes et de femmes de nationalité espagnole qui, pour une forte somme, s’offraient en mariage pour divorcer deux ans plus tard. Toutes les catégories d’hommes ou de femmes étaient représentées. Okemba resta surpris lorsqu’Aboubakar lui annonça que son petit frère avait été marié par un espagnol. Et pourtant, le frère de ce dernier n’était pas homosexuel. C’était une formalité pour avoir les papiers. En plus, l’espagnol avait réduit la somme initiale.

Il faut être en Europe pour connaître vraiment la valeur des papiers. Okemba fit comprendre à Aboubakar qu’il était de ces personnes qui aimaient la légalité. Et l’éducation qu’il avait reçu ne lui permettait pas de faire ce genre de choses.

“Tu penses que moi Aboubakar, je n’aime pas la légalité, je suis amoral ? Le monde est ainsi”, répliqua-t-il. “Tu veux travailler ou pas? Les étapes de la légalité traînent. Tu payes, tu as les papiers, après chacun prend son chemin. Dans cette histoire de papiers, mon ami, on ne regarde pas ses croyances ni ses mœurs. Je te laisse ma carte de visite. Si tu changes d’avis, tu sais comment me joindre. Je te trouverai une épouse qui te fera un prix réduit.” Tel fut les derniers mots d’Aboubakar avant de s’en aller à son domicile.

Le cas de Bonan, victime d’imprévus…

Pendant des jours, la conversation avec Aboubakar hanta Okemba. Au fil du temps, il se demandait si Aboubakar n’avait pas raison. Entre le statut étudiant et l’obtention d’un titre de séjour permanent ou la naturalisation, la différence était grande. Les idées commençaient à se bousculer dans l’esprit d’Okemba. Cependant, la tentation de le faire se dissipa lorsqu’un matin, il croisa un attroupement de personnes. C’était Bonan, le camerounais, qui se faisait agresser par une femme espagnole. La dame lui réclamait de l’argent.

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Déception. Crédit : @C_Scott – Source : iwaria.com

Bonan avait contracté un mariage avec cette espagnole. Dans les clauses du mariage, il était prévu qu’il n’y aurait pas de sexe entre eux. En réalité, Bonan était déjà marié dans son Cameroun natal. Malheureusement, la dame tomba sous son charme et réclamait maintenant son devoir conjugal, au risque d’étaler le business à la police. Bonan devait alors à chaque fois payer de l’agent pour calmer les ardeurs de sa pseudo épouse. En effet, il courait le risque d’être rapatrié ou de faire la prison. La dame le savait. De toutes les façons, elle n’avait rien à perdre s’il allait se plaindre à la police. Elle était dans son pays. Bonan n’en pouvait plus de cette situation. Il recherche à présent un homme ou une femme pour un autre mariage (encore ?!).

A l’instar de Bonan ou de Yassine dans le film “Épouse-moi mon pote”, ce sont de milliers de mariages par an qui se célèbrent non pas par amour, mais pour les papiers. Un arrangement où les deux camps semblent gagner. Mais ce n’est toujours pas le cas, car la joie n’est généralement pas au rendez-vous.