Benjamin Yobouet

Permis de conduire français, le parcours du combattant !

C’est la quatrième fois que mon amie passe à côté du permis de conduire français. Conséquence : plus 6 000 euros… tombés à l’eau.

La première fois, c’était l’examen de code qu’elle avait raté. La deuxième fois, c’était encore le même examen sauf qu’elle était arrivée plus près du but, mais hélas ! La troisième fois, elle avait oublié de respecter le marquage « STOP » devant l’inspecteur pour l’examen de conduite. La quatrième fois, elle a manqué de respecter la distance de sécurité entre son véhicule et celui qui se tenait devant elle.

C’est ça aussi la stratégie ou le business des auto-écoles françaises…

conduite accompagnée_France
Conduite accompagnée. Crédit : @andrew-worley

Joie d’obtenir son permis de conduire français

J’étais couché ce matin-là, encore enroulé sous ma couette, lorsque je reçu l’appel de mon amie en question. Je faisais la grasse matinée en regardant un film. Près de moi, il y avait quelques biscottes et un peu plus loin une tasse de café. Je sirotais tout doucement mon café en savourant son parfum. Je me sentais un peu lourd, il fallait quand même me booster ce matin-là…  À l’autre bout du fil, j’entendis mon amie Verena crier et jubiler. Son attitude me surprit tellement que je me mis immédiatement à me poser mille et une questions.

Qu’est-ce qui pouvait bien susciter une telle joie chez elle ce matin ? Venait-elle de décrocher un contrat à durée indéterminée (CDI) ? Ou venait-elle de recevoir la demande en mariage de son fiancé qui, selon elle, tardait à se décider ? Je n’en avais aucune idée. Pourtant, je voulu moi aussi entrer dans la danse, une danse de joie et d’allégresse. Oui, mais il fallait  d’abord que je sache quel était l’objet de cette joie. N’est-ce pas ?

Pas facile d’obtenir le permis en France

C’est alors que, quelque peu agitée, elle me lança ceci :

« Mon frère, j’ai enfin eu mon permis, le fameux permis français. Tu n’imagines pas comme je suis contente.»

« Quoi ? ! Wow ! Bravo ma sœur, enfin », répliquais-je, joyeux.

Ah le permis français, un vrai parcours du combattant ! Je réalisais qu’avoir le permis de conduire français n’était pas une mince affaire. Cela n’avait rien à voir avec le permis de conduire chez nous en Côte d’Ivoire et encore moins avec le permis de conduire au Cameroun. Non !

Trafic urbain_abidjanais
Trafic urbain_abidjanais. Crédit : @Bayala

Le permis au pays, plus facile à obtenir et moins cher

Au pays, c’est tellement simple et facile. Il suffit d’entrer dans une auto-école, de régler la somme que l’on demande. Une modique somme comparée à celle qui est demandé en France (environ 100.000 F CFA soit 150 euros), et le tour est joué ! On peut aller s’asseoir tranquillement à la maison pour recevoir son permis de conduire quelques semaines après.

Pas besoin de cours théoriques et/ou d’examen de code. Pas besoin également de cours pratiques et/ou d’examens de conduite. Aucune obligation ! Donc aucune chance de rater son permis. Non, on ne se prend pas trop la tête comme en France. À Abidjan, tout comme au Cameroun, on est sûr d’avoir son permis de conduire, quelles que soient les circonstances. C’est simple : on obtient d’abord le permis et on apprend à conduire ensuite. La main viendra au fur et à mesure…

C’est pourquoi, je félicitais mon amie Verena pour son courage, sa patience, ses efforts, ses sacrifices… En France, le permis de conduire est considéré comme un diplôme. Souvent, les recruteurs l’exigent. Il faut donc l’avoir, c’est une nécessité. Mais plusieurs benguistes ou africains en France préfèrent passer leur permis de conduire chez eux au pays. C’est moins cher et super facile à obtenir ! En effet, qui souhaite se ruiner ?

Passer son permis de conduire au pays, la panacée

Le saviez-vous ? Le prix du permis français (entre 1200 et 1500 euros, quand on ne le rate pas) peut même acheter un billet d’avion aller-retour au pays avec, en plus, de la monnaie pour assurer tranquillement son séjour ! Alors, pourquoi s’embêter et se ruiner à obtenir le permis français ?

D’autant plus que les étudiants peuvent conduire avec le permis de leur pays d’origine, puis le changer plus tard en permis français. C’est le cas de mon ami Franck, qui au départ avait voulu passer son permis de conduire en France. Mais il a vite changé d’avis. Il l’a finalement passé avec brio à Abidjan !

Circulation de véhicule Abidjan
Circulation de véhicules Abidjan. Crédit @Benjamin Yobouet

Mais attention aux contraintes et aux règles…

Mais attention, il y a un hic pour les benguistes ! Ce n’est pas tout le monde qui peut aller passer son permis de conduire au pays et revenir le changer facilement. Il y a des règles, la loi française est claire à ce sujet. Pour ceux qui ont changé de statut, qui ont une carte de résident, qui ont la nationalité française… ce ne sera plus possible. Mon amie Verena se retrouvait malheureusement dans ce cas de figure. Vous comprenez donc pourquoi elle a du supporter tous les tralalas du permis français jusqu’au bout.

Le mieux, ce serait d’obtenir son permis de conduire au pays, trois mois avant de fouler le sol français, et comme ça on évite toutes ces tracasseries. En fait, en France, pour certaines choses, il faut vraiment être riche ! C’est le cas pour avoir une nounou comme c’est le cas pour pouvoir passer le permis de conduire… Alors, à bon entendeur, salut !


Ces rues françaises qui nous font rigoler

Vieux chemin de Sainte Musse. Une des rues toulonnaises qui restera gravée dans ma mémoire ! Il y a trois ans, je débarquais en France sous un automne ensoleillé. Dans le cadre de certaines de mes démarches administratives, j’avais besoin d’un extrait d’acte de naissance plus récent au pays. Il fallait qu’on me l’expédie le plus rapidement possible.

Lorsque je commençais à épeler ma nouvelle adresse à ma maman, elle a tiqué : « hein, tu dis quoi même ?» et moi à l’autre bout du fil, j’éclatais de rire. « Oui, je dis bien VIEUX CHEMIN DE SAINTE MUSSE », « c’est quoi ça encore mon fils ? Tu habites sur un vieux chemin là-bas ? » Toujours entre les éclats de rires, je lui répondais que ça n’avait rien à voir, que c’était juste le nom de la rue où j’habitais dans la ville de Toulon. « Hum, les blancs et leurs adresses : vraiment », coupa-t-elle en rigolant aussi.

Chemin de Lanusse, rue de la galère, rue des mauvais garçons… des rues au nom très drôle

Oui maman n’avait pas tort. Comme elle, beaucoup de benguistes ou d’africains qui débarquent ou qui vivent en France trouvent particulier les noms de certaines rues. Il y a de ces rues qui font vraiment rigoler. Chemin de Lanusse, vous connaissez ? Rue de la galère, ça vous dit ? Et la rue des mauvais garçons ? Non, ce n’est pas une blague. C’est bel et bien des noms de rues qui existent en France !

Rue des mauvais garçons à Paris
Rue des mauvais garçons à Paris. Source : Flickr

Lorsque qu’un jour j’ai dit à un ami qu’il existait une rue qui s’appelle « rue courbe, dite des fesses fanées » en Haute-Rivoire, il m’a répondu : « Benjamin arrête là, tu rigoles ou quoi ? » Je lui ai dit que cela n’était rien à côté d’autres noms de rues, parce qu’il y avait aussi la « rue des merdes de chiens » à Mortagne-sur-Gironde.

Rue courbe dite des fesses fanées
Rue courbe dite des fesses fanées. Crédit : Simplythebest84

J’ai été frappé la première fois lorsque que j’ai découvert une rue à Toulon qui s’appelait «pourquoi pas ». Je suis resté là, inerte tel une statue. Tout était permis ou possible ici alors, me suis-je dit intérieurement avant de poursuivre mon chemin. Ma surprise a été encore plus totale quand je me suis retrouvé dans une rue à Strasbourg.Savez-vous comment s’appelait cette rue ? Tenez-vous bien : la « rue des pucelles ». Mon Dieu ! J’ai eu envie d’éclater de rires. Mais à cause du regard des autres, je me suis contenté de sourire, pourtant, les gens circulaient comme si de rien n’était… Si je comprends bien, il n’y a que les pucelles qui habitent par-là, c’est ça ? Bon, je me tais ! Rires.

Quelques noms de lieux abidjanais qui font aussi rigoler

C’est vrai qu’il y a des lieux ou des quartiers à Abidjan qui font aussi rire. Le carrefour « gnamôgôdé » par exemple, qui veut dire carrefour enfant bâtard, enfant conçu hors mariage. Il y aussi le carrefour appelé « samaké » ou le quartier Abobo derrière rail.

N’oublions pas le carrefour « la vie » appelé autrefois « carrefour la mort » à cause de nombreux accidents qui ont eu lieu à cet endroit. Et le carrefour « cimetière » à Yopougon alors ? On le nomme souvent carrefour « dernière maison » ou carrefour « obligé » pour souligner la peur de traverser justement le fameux cimetière, surtout à des heures tardives…

Des rues qui arrachent un sourire à Lille, Lyon ou encore Colmar…

Mon ami Edem, de passage à Lille, m’a révélé qu’il existe la « place des oignons ». Hein ? Rires. Ce n’est pas tout ! Et d’ajouter une autre adresse : « rue des chats bossus ». Ah bon ?! Ce ne sont que les chats bossus qui y vivent par ici ? Dites-moi ! J’ai été également surpris d’apprendre par mon ami Mansour qu’à Lyon, il existe une petite rue qui porte bien son nom, mais un nom bien étrange : « petite rue mon plaisir ». Mdr !

Place des oignons à Lille
Place des oignons à Lille. Crédit : Edem

Terminons par ces deux rues, elles aussi aussi rigolotes : la « rue du mouton » et la « rue poilus » à Colmar, soufflée par mon amie Gerda. Si nous voulions continuer, nous risquerions de ne plus de nous arrêter tant il existe des noms de rues de plus en plus drôles. Et vous quelle rue vous a marquée ? Partagez avec nous pour qu’on rigole aussi. C’est la rentrée après tout, on en a besoin pour déstresser un peu, n’est-ce pas ?


Les prénoms africains, une fierté culturelle

L’hiver battait son plein en ce mois de décembre. Dehors, il était impossible de distinguer le jour de la nuit. Il se résolut d’affronter ce froid et rejoindre le lot d’étudiants du Master 1 communication numérique. La classe contrairement à celle de ses cours à Abidjan regorgeait peu d’étudiants ; ce qui le surprit. Il était habitué à prendre des cours dans une classe pleine à craquer. L’air tout timide, il prit place dans l’un des sièges arrières de la classe. Il admira ces nouveaux visages qui allaient désormais faire partie de son quotidien durant les deux années de formation à venir. L’entrée du professeur de stratégie et innovation mit de l’ordre dans ce joyeux désordre.

Des noms et prénoms très particuliers

Après s’être présenté et avoir défini en quelques mots l’objectif de son cours, M. Beau Fessier, le professeur, demanda à chacun de se présenter. Les noms et prénoms, il y en avait de toutes sortes allant du chinois au russe : Sung Yang, Patrick Pigeon, Marc le Groin, Isabelle La bête…

Il y eut des moments où à l’écoute de certains noms, il restait ébahi. Lorsque vint son tour, il se présenta avec son prénom africain. Je m’appelle Koffi, lança-t-il. À entendre ce nom, le professeur lui demanda s’il était issu de la famille de l’ex-secrétaire générale des Nations Unies (ONU) Kofi Annan.

Non, répondit-il. Il lui fit savoir que les Koffi, en réalité, on les retrouvait un peu partout sur le continent africain. Il continua de lui expliquer que le Koffi de Côte d’Ivoire dont il était originaire, s’écrivait avec deux « FF » contrairement à celui du Ghana avec un seul « F ».

Koffi, un prénom africain qui rappelle son origine

Avec un air taquin, M. Beau Fessier lui confia que la résonance de son prénom africain faisait allusion au « Coffee » en anglais. Koffi sourit et lui répondit que le café était justement aussi une des richesses de son pays. Il aurait bien pu se présenter avec son prénom français « Pascal » mais il trouvait cela un peu égoïste de sa part. Porter un prénom africain l’identifiait et rappelait ses origines, son jour de naissance et sa culture.

Non, il n’était pas xénophobe loin de là, il faisait partie d’une classe qui revendiquait l’authenticité africaine. C’était avec plaisir qu’il expliquait à ses nouveaux compagnons que dans son peuple issu du centre de la Côte d’Ivoire (le Baoulé), chaque prénom correspondait à un jour de la semaine. Le mien était un prénom donné aux garçons nés un samedi.

Certains benguistes peu fiers de leurs prénoms africains

Nombreux enviaient cette culture, d’autres n’arrêtaient pas de lui demander quel prénom aurait-il porté s’ils étaient nés dans sa tribu Akan. S’il acceptait avec fierté de porter son prénom africain dans ce continent européen, cela n’était pas le cas pour bon nombre de ses compatriotes. C’est l’exemple de son ami Kouadio, prénom africain donné aux garçons nés un mardi.

«  Écoutes Koffi, je ne suis pas content de toi. Tu sais bien que nous ne sommes plus en Afrique, mais en Europe. Alors, cette manière de m’appeler comme si nous étions au pays franchement cela me gêne et surtout quand je suis en compagnie de mes amies européennes. Je te le dis avec beaucoup de respect, appelles-moi Cédric Rayanne. Le jour où tu me verras au pays, tu pourras m’appeler « Kouadio » si tu le veux« , lança-t-il à Koffi, un de ces jours.

Porter son prénom d’origine, un signe de non-intégration ?

Koffi tombait des nues, donc porter son prénom d’origine africaine en Europe est signe de non-intégration ? Il y a une catégorie de benguistes, les Africains en Europe, qui ne finira jamais de surprendre. Porter son prénom français octroie-t-il automatiquement l’intégration au sein d’une société européenne ? À ce point, Koffi risque de ne jamais s’intégrer, car il s’appelle Koffi. Toutefois, il décida de le revendiquer là où il sera, parce que c’est son prénom, son identité. Oui, Koffi, c’est bien son prénom !


Le drame de l’émigration vers l’Europe, vu de Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, l’immigration vers l’Europe est un vrai sujet. Pour moi, les benguistes, les Ivoiriens installés en France, sont en partie responsables de ce drame.  Il y a quelques jours, je suis « tombé » sur un extrait de l’émission Cmidi, un talk-show de la Radiodiffusion télévision Ivoirienne (RTI). Parmi les deux principaux invités dans cet extrait-là, il y avait une femme et un jeune homme. Ils faisaient partie des lots des personnes ayant tenté de quitter illégalement leur pays, la Côte d’Ivoire.

Immigrer illégalement est parfois très tragique

Le thème était le suivant : « Nous faisons partie des clandestins ivoiriens rapatriés de Libye ». Ces derniers en ont vu des vertes et des pas mûres durant leur voyage, notamment en Libye ou a pris fin leur aventure. Exténués par toutes sortes de tortures, ils ont, finalement, grâce au secours d’un organisme en charge des migrants, retroussé chemin et regagné le pays. À vrai dire, chacun de leurs témoignages m’a réellement turlupiné particulièrement celui de la femme invitée, qui a finalement perdu son conjoint. C’est tragique, c’est dramatique !

Mais pourquoi diantre en arriver là ?! Pourquoi cette « folie » ou cette obsession de quitter le pays par tous les moyens ? Bien sûr, on nous parlera de chômage, de pauvreté, de misère, de la situation critique du système scolaire et universitaire… Oui, cela est une réalité.

Cependant, faut-il, pour cela, tenter l’immigration au péril de sa propre vie ? Il ne s’agit pas ici des pays en proie à des guerres et des calamités naturelles. Non, il s’agit là des pays où malgré les difficultés énoncées ci-dessus, il règne une certaine stabilité. On peut immigrer pour un objectif précis : études, travail, mission… Pas pour se « chercher » comme on le dit à Abidjan par la voie illégale.

Les responsabilités sont partagées, y compris des benguistes

On se pose de plus en plus mille et une question sur l’immigration illégale qui reste un sujet brûlant dans les quatre coins du globe. Dans une telle situation, les responsabilités sont évidemment partagées. Il y a certes les pouvoirs publics, les candidats eux-mêmes. Mais il y a aussi ceux qu’on ignore ou ceux qu’on ne voit souvent pas : les benguistes.

Ces Africains sont déjà installés légalement en Europe, dans les pays développés ou les candidats heureux de l’immigration illégale. Ils sont quelquefois coupables. Coupables d’encourager parfois leurs compatriotes à immigrer, pire, par la voie illégale comme ça été le cas pour nos deux invités. La femme et le jeune homme ont été « poussé » (avec toutes les informations utiles) par leurs proches déjà installés en Europe ou en Libye.

-« J’avais des amis au quartier, tout le monde est parti pour me laisser… Ils (ses amis installés en France, Allemagne, Italie…) m’ont dit ici, c’est bon, c’est bien, ça nous fait du bien… Tout est facile… La route est facile… » , tel est l’aveu du jeune homme.
-« Là-bas, ça va bien, tu peux venir te chercher… Tu pouvais me dire, ah petite sœur faut rester là-bas (Côte d’Ivoire), ici (Libye) là ça ne va pas, donc tu m’as blagué là moi ça ne me plaît pas… » , voici, en outre, ce que confiait la dame invitée.

Les benguistes sont coupables chaque fois que…

C’est pourquoi, je dis que les benguistes sont quelquefois coupables de ces immigrations illégales. Nous sommes coupables lorsqu’on ne dit pas toute la vérité à nos amis et nos proches sur les réalités de la vie européenne.

Même si souvent, les benguistes sont traités de « méchants » que d’être coupables d’une tragédie. En effet, lorsqu’un benguiste parle des réalités du terrain à ses amis ceux-ci répondent souvent (pour la plupart d’entre eux) « mon frère, ma sœur, il ne faut pas me décourager, toi, tu es déjà là-bas… Moi aussi, je veux venir même si c’est pour lutter ».

Nous sommes coupables chaque fois que nous publions des photos belles et « attirantes » sur les réseaux sociaux de l’Europe. Des photos prises devant tel lieu touristique ou dans tel pays européen. Je me rappelle, à ce propos ce jour, où lorsque j’ai posté une photo, un ami m’a lancé ceci en message privé : « Hum mon frère, tu me donnes envie d’aller en Europe hein ». J’ai été sur le coup surpris.

Nous sommes donc coupables lorsque pendant nos vacances au pays, nous faisons croire que la vie en Europe est facile à travers les « m’as-tu vu »… Nous sommes coupables consciemment ou inconsciemment. Dans tous les cas, nous le sommes tous ! Et il ressort de notre responsabilité.


Grâce ou l’illusion de l’amour à distance

Mon ami avait une fiancée au pays. Il avait… ! Oui, mais ça s’était avant ! Maintenant, c’est fini entre lui et son amour au pays. Pourtant, il y a quelques mois, mon ami benguiste me parlait d’elle presque chaque jour.

Il me disait que Grâce, sa fiancée, était un cadeau du ciel. Belle, elle l’était ; intelligente et adorable aussi. Mon Cher Ami me confiait comment elle était différente de certaines filles au pays. Ce n’était pas ces filles arrivistes et matérialistes. Non ! Sa Grâce était une vraie femme en devenir, une fille fidèle, sincère et compréhensive.

Grâce, l’amour de sa vie…

Mon ami pouvait me parler de Grâce pendant des heures et des heures sans se lasser. Grâce était ceci, Grâce était cela… Ah Grâce ! Et moi, je le regardais, certes avec beaucoup d’émotions, mais aussi avec beaucoup de plaisir. J’admirais surtout ses yeux qui brillaient de mille feux : feu d’amour, feu de tendresse, feu d’intense affection…

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L’amour vrai, source de fidelité et de sincerité / CC : Riedelmeir – Pixabay  

À vrai dire, j’étais heureux que mon ami soit si comblé. Heureux, en réalité, de voir son visage rayonner comme un ange après chaque échange avec sa bien-aimée via les réseaux sociaux. Je le voyais naviguer entre une pléthore d’applications mobiles.

Des échanges interminables via les réseaux sociaux

Souvent, c’était WhassApp ou Viber, parfois Skype ou Imo. Lorsque la connexion perdait sa stabilité, mon ami et sa fiancée se retrouvaient sur Messenger. Leur causerie pouvait commencer sur Facebook, déboucher sur Instagram message et se terminer sur Hangout, tous les moyens étaient bons pour mieux communiquer.

Il arrivait des fois où Grâce ne se connectait pas à Internet, dû à la cherté de la connexion au pays. Mon ami n’hésitait pas alors à empiéter sur son forfait pourtant limité, à appeler sa chérie directement sur son mobile pendant de longues minutes. Et bonjour les factures très salées. Peu importe les dépenses…L’essentiel, pour mon ami, c’était de maintenir coûte que coûte la communication avec son amour.

L’amour à distance, un obstacle ?

Grâce et mon ami s’étaient rencontrés deux semaines avant le départ de ce dernier pour la France. Depuis lors, leur relation s’est intensifiée au fil des semaines. Il ne fallait surtout pas parler de problèmes de relations à distance à mon cher ami, au risque d’essuyer quelques représailles de sa part.

La distance ? Non, ce n’était pas un frein. Pourquoi 6 000 Km entre deux personnes devraient les empêcher de s’aimer ? « L’amour ne reconnaît aucune barrière. Il saute les obstacles, les clôtures, pénètre les murs pour arriver à une destination pleine d’espoir« , n’est-ce pas ce que disait Maya Angelou.

Travailler dur pour son amour au pays…

Mon ami, bien qu’étudiant, bossait dur, et même très dur. Il jonglait entre études et job. Il se réveillait très tôt les matins direction l’école, finissait vers 18h et enchaînait avec son travail dans un Fast-food pour ne rentrer que vers minuit. Je le voyais souvent rentré chaque nuit d’hiver épuisé.

Mon ami n’avait pas de week-end, car les week-ends étaient un moyen, pour lui, de faire des heures supplémentaires. Il multipliait des heures et des heures de travail afin d’avoir assez de revenus. En réalité, il fallait payer son loyer et ses nombreuses factures.

Il fallait s’occuper aussi de sa très chère Grâce. Il fallait lui envoyer des euros, beaucoup d’euros chaque fin de mois. Il fallait également assurer la scolarité de Grâce. Il fallait s’offrir un billet d’avion aller-retour pour retrouver sa dulcinée en vacances.

Il fallait surtout économiser pour faire venir un de ces jours Grâce. Oui, son désir le plus ardent était de voir Grâce à ses côtés. Tout ça pour un étudiant ?! Et nous ses amis, nous restions là sidérés et impuissants parce que nos avis et conseils n’étaient toujours pas les bienvenus.

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L’amour peut prendre une autre tournure : déception / CC : Baereinfen – Pixabay

Grâce ne lui a pas fait grâce…

Mais comme on le dit si bien à Abidjan, ce sont les conséquences qui conseillent le mieux. Mon ami, rentré en vacances au pays, a retrouvé Grâce, oui, mais une autre Grâce. Une autre Grâce dans les bras d’un autre, mains dessus dessous, entrelacés comme jamais à la sortie d’un hôtel.

Mon ami était resté méconnaissable et inconsolable pendant plusieurs semaines et plusieurs mois… Un vrai choc, car tous les efforts et projets sont tombés à l’eau ! Depuis lors, il ne m’a plus jamais parlé de Grâce, moi non plus d’ailleurs… Parce que, pour dire vrai, Grâce ne lui a pas fait grâce.