L’africain et les bagages, une question de culture
Un midi, dans une causerie au travail, mon collègue français m’a posé cette question. « Pourquoi les africains voyagent toujours avec de nombreuses valises ? Ils sont parfois obligés de payer un surplus pour des kilos de bagages ».
Honnêtement, depuis mon Abidjan natal, je trouvais cela normal, qu’une personne qui part en voyage même pour quelques semaines puisse emporter son armoire avec lui. Rires, bon je déconne un peu !
Le premier jour où mon ami ivoirien Éric a mis les pieds en Europe, il avait un seul sac au dos. Celui qui l’avait accueilli lui fit cette remarque : « mais où est le reste de tes affaires » ? Il répondit qu’il avait uniquement ce sac, sinon à quoi bon se surcharger avec des valises ou des bagages ?
Celui-ci lui avait posé cette question parce que, comme mon collègue du travail, ils ont remarqué que les africains voyagent avec des tonnes de bagages. En effet, plus de deux personnes avaient déjà attiré mon attention sur ce fait.
Alors sans vouloir, mon esprit dictait mes yeux partout où je me rendais que cela soit dans un aéroport ou dans des stations de voyage ou des gares. Je faisais la comparaison entre les bagages des voyageurs européens et ceux de mes compatriotes.
Le constat était clair, l’Afrique voyage avec sa solidarité qui se ressent jusqu’au niveau de ses bagages. Lorsqu’un africain voyage, il y aura toujours des commissions par-ci et par-là. Tandis que l’Europe et sa solitude font bon ménage à travers un bagage normal pour la plupart du temps un sac au dos ou une petite mallette.
Africain, je le suis, mais j’avais cette envie de poser aussi la même question à certains de mes compatriotes : pourquoi tant de bagages? L’occasion ne tarda à se présenter. En partance pour un voyage, un de ces jours, nous avons dû changer de car pour raison d’escale.
J’étais tranquillement assis veillant sur mon sac, quand s’approcha de moi une femme camerounaise. Elle avait la trentaine, elle était toute trempée de sueur malgré l’hiver qui battait la cadence.
Mon frère bonjour, me lança-t-elle. « J’ai besoin d’un coup de main avec mes bagages », continua-t-elle. Sans poser de question, je lui souris et nous prîmes la direction jusqu’au coffre du car. Grande fut ma surprise, lorsque je vis le lot de ses bagages ; pour elle seule, me suis-je demandé ?
Pour moi, c’était un peu abusé et c’était sans penser aux autres voyageurs. Elle avait plus de cinq grosses valises pendant que les règles de la compagnie de transport exigeaient deux valises par voyageur.
Après l’avoir aidé, je lui demandai si elle faisait un déménagement. A cette question, elle me répondit : « Ayiiiii tu n’es pas africain »? Je lui répondis par l’affirmative et elle continua en m’expliquant que pour elle, un bon africain ne pouvait voyager avec un seul sac au dos.
« Regarde mon frère, je suis allée faire deux semaines chez ma belle-sœur, normalement je devais rentrer par avion mais à cause du nombre de mes bagages, j’ai dû opter pour le car un peu ennuyant ».
« Ici, personne ne viendra me demander combien de bagages j’ai. Je suis trop heureuse, dans ces bagages que tu vois, j’ai un peu de tout : provisions, produits de beauté, habits, chaussures…sans oublier les commissions de quelques connaissances. »
« Je suis contente de t’avoir rencontré mais toi, où sont tes bagages » ? Je lui montrai mon sac au dos. « Toi tu es peut-être un homme, c’est pour cela, pas comme nous les femmes-là. En plus, nous les femmes, nous devons avoir plusieurs vêtements, être prêtes pour toutes les occasions peu importe si le voyage doit durer ».
Lorsque, je laissai cette étrangère pour emprunter mon car, je la voyais supplier de l’aide pendant que certains passagers grognaient et étaient mécontents pour le retard qu’occasionnait l’enregistrement de ses bagages. Mais cela l’importait peu.
A l’instar, de cette femme, chaque jour, ce sont des milliers d’africains qui traînent des kilos de bagages dans nos aéroports et nos gares, plusieurs questions suscitent notre réflexion.
L’écrivain français Henry de Monfreid disait : « n’ayez jamais peur de la vie, n’ayez jamais peur de l’aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d’autres espaces, d’autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît ».
D’accord, il faut voyager, mais est-ce nécessaire tant de bagages, quand on sait qu’à la fin seulement quelques-uns nous seront d’une grande priorité ?
Est-ce nécessaire de voyager avec plusieurs valises, quand nous savons qu’à notre retour, nous reviendrons encore avec autant ?
Ne serait-il pas convenable avant un voyage de penser aux autres passagers ? Surtout dans les cars et bus, en faisant un tri des plus importants au moins nécessaires ? Il est clair, les africains et les bagages, c’est une longue histoire, une question de culture. Et personne ne niera !
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