Benguiste : ils ont tué ma foi
Si vous ouvrez votre livre d’histoire au chapitre « religion », on vous dira que le christianisme en Afrique nous vient de l’Europe. Et ce n’est pas faux ! Les premiers missionnaires avec leur Bible, ne sont-ils pas tous passés dans nos différents pays ? Mais aujourd’hui, peut-on considérer toujours l’Europe comme la mère du christianisme ? L’Afrique n’a-t-elle pas pris le dessus dans la pratique ? C’est le constat qui se dégage de l’expérience religieuse d’un benguiste africain vivant en France. Petite comparaison dans un récit !
Benguiste, je viens d’un pays où le christianisme est en plein essor
Chrétien, je viens de la Côte d’Ivoire où la foi chrétienne connait une croissance considérable. Un pays où la religion chrétienne est devenue une coutume ou une tradition. Chaque dimanche est considéré comme un jour spécial et même très spécial. Déjà, dès l’aube, dans les rues, ça grouille du monde, ça bouge dans tous les sens ! Tout le monde s’active, soit pour la messe, soit pour le culte.
Enfant, chaque dimanche, maman me réveillait tôt le matin. Elle m’apprêtait et me prenait la main : direction l’église. Il y avait le culte pour les enfants et pour les adultes. C’était des moments forts et particuliers. En Afrique, dès l’enfance, on vous inculque déjà la culture et cet amour pour la religion.
Il arrivait souvent que certains de mes amis soient réfractaires. Mais leurs parents instauraient des conditions ou des règles, lorsque la méthode de la carotte s’avérait inefficace. Alors, soit ils n’avaient pas droit, par exemple, au petit déjeuner ; soit au repas de midi ou tout simplement, on les privait d’argent de poche. Mais, entre nous, quel enfant voudrait subir une telle punition ? Aucun !
En fait, ces parents faisaient tout cela pour encourager leurs enfants, même si après ces deniers n’avaient pas trop le choix. Et bien sûr, cela marchait efficacement. Oui, on peut dire que les missionnaires ont bien réussi leur mission en Afrique non !
En Afrique justement, la foi est présente partout dans les faits, tellement apparente dans le quotidien de chacun qu’on qualifierait nos pays laïcs de « royaume parfait du Christ ». Les églises poussent comme des champignons à chaque carrefour. C’est le cas à Abidjan, où toutes les salles de cinéma se sont finalement transformées en lieux de culte.
En dépit, de cette floraison de ces lieux, les fidèles ne manquent jamais. Les églises refusent du monde. Tant qu’il y a des veillées, des prières, qui pour avoir une âme sœur, qui pour trouver du travail, qui pour avoir du succès professionnel ou dans les affaires. Tant qu’il y a de l’ambiance, des chants, des danses, des miracles… pour attirer les enfants de Dieu, l’église ne désemplit pas.
On le voit, dans nos pays africains, la foi est vivante. Elle germe exponentiellement au fond de l’être comme un fleuve sempiternel fait pour blanchir les mares. Et ce décor plaisant m’a donné l’envie de découvrir davantage une foi plus fervente et nourrissante en me dirigeant vers l’Europe : la source même de la religion chrétienne. Me suis-je trompé ?
Regard mitigé d’un benguiste sur la foi chrétienne en Europe
Je me suis donc envolé dans la France catholique. Ce beau pays, de plus de 60 millions d’âmes. Ce pays où la majorité de la population a adopté le christianisme comme religion de base.
En venant ici, j’étais , en tant que benguiste, persuadé et même convaincu que ma foi serait encore plus intense qu’au pays puisque, étant présent sur la terre du christianisme. J’avais donc la ferme conviction d’avoir fait le bon choix de fréquenter très rapidement une paroisse. Seulement voilà, le décor m’a paru plus obscur qu’insaisissable. Grande fut ma surprise de découvrir de belles et grandes églises, mais sans de fidèles à l’intérieur. A vrai dire, on pouvait compter facilement les paroissiens du bout des doigts.
Non seulement la communauté paroissiale était petite, mais elle était majoritairement composée de personnes âgées. J’ai finalement réalisé au bout de quelques semaines que nous n’étions qu’une poignée de jeunes, dont environ cinq africains benguistes parmi tous ces paroissiens.
En effet, la foi existe ici que chez les vieillards, ces êtres sans force qui cherchent à se rapprocher de Dieu pendant les derniers soupirs de leur existence. Quant aux jeunes, n’en parlez pas. Pour eux, la foi chrétienne n’est pas une priorité. D’ailleurs, il n’est toujours pas tard de se rapprocher de Dieu non ? Ne faut-il pas plutôt profiter au maximum de la vie et ses « jouissances » ? Le reste, on y remédiera, lorsqu’on sera à la porte de la vieillesse.
Un dimanche d’été, j’ai rencontré un ami français de la fac, lorsqu’il m’a demandé où je partais, je lui ai expliqué que je me rendais à l’église. Il m’a regardé avec de gros yeux et d’un air hagard. Il m’a fait savoir qu’il se rendait à la plage pour profiter du bon temps avant d’ajouter avec un brin d’humour : « Bah, passe un bonjour au Seigneur de ma part ».
Parlant de plage, au sud de l’Espagne particulièrement dans la commune de Rincon de la victoria, le dimanche est jour de plage. Un de mes amis m’a expliqué, lors de mes récentes vacances espagnoles, que le curé avait même fixé l’heure de la messe à 11 h afin de gagner plus de fidèles paroissiens.
Malgré cela, plusieurs préféraient savourer des instants de bonheur au bord de l’eau. Ceux qui faisaient un effort venaient à la messe avec leurs équipements ou accessoires de plage, souvent en débardeur ou en short. Dès que la messe finissait, ils se dirigeaient tous vers les plages.
Allez donc comprendre l’ambiance des messes et la tiédeur dans les différentes activités de l’église ici. Les messes sont parfois monotones avec des chants classiques, grégoriens… De plus, la plupart des prières se font uniquement en latin. Pas de chants africains ou d’ambiance. Non !
La seule fois, où j’ai essayé d’esquisser quelque pas lors d’un baptême, toute l’assemblée a posé les yeux sur moi. Mon ami qui était près de moi m’a soufflé ceci : « Oh mon frère, tout le monde te regarde, arrête tes danses là ». En clair, les paroissiens étaient tous étonnés.
Mais où est passé ce continent, apôtre du christianisme ? Où est passée l’Europe, cette mère du christianisme en Afrique ? Où est passée cette mère, qui à travers ses nombreux missionnaires, nous a enseigné l’Evangile ? Plus d’un siècle après, l’Europe semble avoir perdu sa casquette de mère de la foi chrétienne. L’Afrique qui a été l’élève désormais lui dame totalement le pion.
Mon frère benguiste, ils ont tué ma foi
Malheureusement, ce tableau de l’état de la vie chrétienne en Europe tend à décourager de plus en plus les fidèles, les benguistes ou africains, autrefois fervents dans leur pays. C’est le cas de mon ami Riman. Un dimanche, à la sortie d’une messe, mon ami m’a lancé cette phrase : « Mon frère, ils ont tué ma foi » !
J’avoue avoir été choqué par cette phrase aussi petite soit-elle. En vérité, mon ami benguiste n’avait pas tort. Lorsqu’on a apprit, dans son pays d’origine, à vivre une vie religieuse plus intense et qu’après, on se retrouve nez à nez devant une telle réalité, on ne peut qu’être déçu ! Les pèlerinages, les réunions, bref les activités dynamiques entre jeunes au pays ne sont plus qu’un vieux souvenir à présent.
Mais je dis à mon ami benguiste et à d’autres qui se retrouvent dans cette situation ceci : « gardez la foi, car la vraie foi résiste à toutes sortes de vagues. Elle est présente partout dans les cœurs pour toujours et pour les siècles et des siècles, amen ! La foi est vivante, éternelle et ne meurt jamais. Cher tous, soyons rassurés, rien ni personne ne tuera notre foi.
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