Benjamin Yobouet

En France, il faut être riche pour avoir une nounou

C’est décidé ! Si je dois élever mes enfants en France, j’irai chercher ma sœur au pays. Ou bien, je les amènerai tout simplement au pays. J’irai chercher ma sœur pour qu’elle vienne veiller sur mes enfants. Parce que l’affaire de nounou en France, maintenant, me dépasse sincèrement.

La dernière fois, une de mes amies benguiste m’a confié que « TOUT » son salaire du mois allait dans la poche de la nounou qu’elle emploie. Je lui ai dit quoi ? Dis-moi que tu blagues. « Eh bah non », m’a-t-elle répondu.

« Benjamin, je crois que je vais faire nounou là aussi. Parce qu’il y a vraiment des sous là-dedans : dix euros, l’heure en moyenne. Alors que moi-même, je touche pratiquement la même chose ; bien que je me déplace matin et soir »et fournit plus d’efforts.

Le baby-sitting, un métier prisé en France

Une nounou, ça coûte cher en France

En effet, mon amie benguiste ne travaille plus pour elle et sa famille. Non ! Elle travaille pour la nounou, parce qu’elle lui redonne pratiquement « tout » son salaire. Et c’est parce que c’est une nounou « au black ». C’est-à-dire une nounou contactée et/ou employée par pure connaissance.

Officiellement, une nounou peut dépasser les 1000 euros par mois. Ajouté à cela, il faut souvent payer ses formations, ses déplacements ou frais de transport, louer les jeux et accessoires qu’elle utilise pour garder les enfants chez elle et plein d’autres choses…

A propos des « fameuses » aides et des crèches

C’est vrai, il existe des aides « officielles » des institutions. Toutefois, celles-ci sont presque dérisoires. Parce que l’on doit d’abord avancer tous les sous et le remboursement se fait plus tard mais lorsque ces institutions le veulent.

atelier-lecture_creche-paris

Le problème dans tout ça, c’est qu’il n’y a vraiment pas de réduction, car l’on paiera de sa propre poche 600 à 850 euros. Voilà en quoi consistent ces « fameuses » aides dont tout le monde parle. Que dire des places en crèche qui se font par piston !? On ignore complètement les critères de sélection. Mais, au final, c’est un club d’amis qui aura la place dans les crèches.

De l’importance des nounous en France

Je ne suis pas contre les nounous hein. Au contraire, les nounous ou garde-enfant nous aident énormément. C’est d’ailleurs l’un des emplois les plus recherchés. C’est généralement le job de plusieurs étudiantes benguistes ou parfois de femmes de niveau social particulier. Sans elles, que serions-nous ?

Que seraient ces familles dont le père et la mère sont tout le temps absents à la maison ? Lorsque la mère rentre du boulot, c’est alors que le père s’apprête à prendre le chemin du travail. Que serait certaines mères célibataires qui sont obligées de travailler dur toute une journée sans répit ?

Mais qu’on se dise la vérité ! Si c’est pour reprendre « TOUT » le salaire qu’on reçoit difficilement chaque mois ; autant rester à la maison. Je crois sincèrement que ce n’est pas la peine. Je comprends pourquoi lorsque je vais voir souvent ma sœur à Paris, elle est hyper contente. Vous savez pourquoi ? Parce que je vais veiller sur ses enfants. En gros, je vais faire du baby-sitting.

nounous-en-plein-atelier_creche-paris

Ça évite les dépenses, ça évite surtout d’appeler une nounou. Et à chaque fois, ma sœur ne manque pas de me dire « Benjamin, tu ne viens pas faire un tour ou un week-end à Paris un peu ? » Parce qu’en réalité, elle sait que ma présence réduirait les dépenses en lieu et place d’employeur une nounou. Pour moi, c’est totalement gratuit. Mais pour la taquiner souvent, je lui dis, tu me dois 50 euros parce que j’ai surveillé tes enfants pendant 5 heures hein. Et on rigole.

Pas besoin de nounou au pays (en Afrique)

Pourtant, si c’était au pays, tu aurais eu des nounous à ta guise et à volonté. Il y aurait tellement de volontaires que tu ferais un tri ou tu refuserais certains. Et cela, GRATUITEMENT ! Parce qu’au pays, il y a les cousins, les cousines, les tantes, les oncles, les neveux, les nièces, les beaux-frères, les belles-sœurs, les amies… Imaginez la grande famille africaine, c’est magnifique non ?!

mere-enfant-afrique

Seulement voilà, en France, tu n’auras personne. Je dis bien, personne ! Parce que non seulement, il n’y a pas beaucoup de grandes familles ici, mais aussi et surtout parce que tout le monde est occupé ou n’a pas le temps. Lorsque tu sors le matin, c’est tard dans la nuit que tu rentres et très épuisé. Tu es obligé de te prendre une nounou ou une garde-enfant pour assurer la journée.

Une nounou, malgré tout, un mal nécessaire en France

C’est pour tout cela, c’est pour toutes ces raisons que je préfère payer le billet d’avion de ma sœur au pays, y compris les frais de visa, pour qu’elle vienne « garder » mes enfants. C’est mieux, n’est-ce pas ? Certes, ça un coût, mais ce serait un investissement rentable. Bon, je rigole un peu 🙂

Oui, une nounou ou une garde-enfant est un mal nécessaire. C’est pourquoi, je dis qu’en France, il faut être riche pour avoir une nounou. On a besoin de vous… Mais s’il vous plaît, mettez un peu d’eau dans votre vin. Parce que même certains blancs ne s’en sortent pas.


J’ai failli devenir fou à l’aéroport d’Abidjan

Ce n’est pas une fiction chers (es) amis (es). Mais la pure réalité. J’ai failli devenir fou. C’était un dimanche. Précisément, le 11 septembre dernier. Oups, cette fameuse date en mémoire de l‘attaque terroriste des tours jumelles survenue aux USA en 2001.

Retour de vacances d’un benguiste au pays

Moi je peux vous dire, j’ai vécu mon 11 septembre. Ce soir-là, marquait, en effet, la fin de mon séjour au pays. Un agréable séjour dans ma belle Côte d’Ivoire ! Malheureusement, trente jours de vacances à Abidjan ne valent rien ! Ça passe vite, je vous assure. Et même très vite, surtout quand on est benguiste et qu’on n’est pas revenu au pays depuis plus de deux ans.

On prend facilement deux à trois semaines rien qu’à saluer la petite famille, la moyenne famille, la grande famille, les amis, les connaissances… Bref tout le monde. Sans compter les invitations qui fusent un peu de partout ! Et au moment de profiter, de bénéficier de ses vacances à proprement dit, il ne vous reste que quelques jours.

 En compagnie de quelques amis autour d'un plat local
En compagnie de quelques amis autour d’un plat local

C’est dans cette ambiance plutôt lourde et mélancolique que je m’apprêtais pour gagner l’aéroport Félix Houphouet Boigny d’Abidjan. À vrai dire, je n’avais pas trop l’envie de retourner de suite. Je paressais… Je traînais…! C’est comme si mon retour m’avait surpris. En réalité, c’est véritablement à cause des délicieux mets locaux de maman, des tantes, des cousines…; des invitations et des multiples sorties avec les amis… Tout ça me retenait tellement !

met-typique-ivioiren-possion-thon
Met typique ivoirien accompagnement : attiéké – Poisson Thons frits

Les provisions , vrai dilemme pour un benguiste en vacances

‘Toutefois, il y avait une chose qui me consolait, qui me réconfortait. C’était le fait de ramener plusieurs provisions locales. Mais tenez-vous bien, lorsqu’on voyage soit pour l’aller ou pour le retour au pays, on a droit toujours – oui toujours ! – à des commissions. « S’il te plaît, ramène-moi ceci, apporte-moi cela ou envoie ceci ou cela à X ». Et bonjour les nombreux bagages.

Malheureusement, ça été mon cas et justement, c’est tout cela qui m’a rendu fou, oui fou. J’ai failli devenir fou tout simplement parce que moi seul, je voulais ramener plusieurs boules d’attiéké, du beurre de Karité… J’ai failli devenir fou parce que moi seul, je voulais ramener des escargots, des sachets de poudre de manioc, des corossols, des poissons fumés.

Un stress ou une folie qui ne dit pas son nom

J’ai failli devenir fou parce que je voulais ramener du gombo sec, des ignames, des cubes d’assaisonnement… J’ai failli devenir fou parce que je voulais ramener également les commissions confiées ici et là.

Ce que j’avais oublié, ce que l’avion ne m’appartenait pas et que je n’avais droit qu’à 46 Kg de bagages en soute et 12 Kg pour monter dans l’avion. Conséquence : j’ai été refusé et retourné avec mes nombreux bagages pendant l’embarquement. Motif : « bagages excédants monsieur ça ne passe pas, veuillez réduire vos kilos S’il Vous Plaît » !

L'africain et les bagages, une question de culture
L’africain et les bagages, une question de culture

Je suis donc ressorti aussitôt. Je me suis retrouvé dehors pour réduire mes affaires. Heureusement que les parents et amis étaient encore là. C’est là qu’a commencé ma folie. Que devrais-je laisser et enlever ? C’était dur et compliqué. Non pas mes boules d’attiéké, non pas mes escargots, non pas mes ignames, ça coûte cher en France !

J’avais du mal également à me séparer des commissions des personnes très proches ! Mon Dieu pourquoi tout ceci m’arrive maintenant ! Pendant que je réfléchissais à quoi retirer et quoi laisser, le temps, lui, courait très vite. Il ne m’attendait pas. Plus les minutes, les secondes s’écoulaient, plus je devenais de plus en plus fou.

Et tout d’un coup, je fermai les yeux. Et je retirai les affaires que ma main touchait pendant trois bonnes minutes. Et voilà hop ! Mes bagages étaient réduits ; ouf ! Je me précipitai à nouveau devant le stand de l’embarquement. À peine avais-je déposé mes bagages sur la balance que j’entendis de nouveau : « Non, monsieur ça ne va pas hein, vos bagages excèdent encore ».

« Encore » ? Ai-je crié ! « Oui encore allez, sortez vite pour les réduire. Mais S’il Vous Plaît dépêchez-vous car on ferme dans 5 minutes. Vous êtes le dernier passager à embarquer, dépêchez-vous  » !
Oh mon Dieu ! Il ne fallait pas qu’on me lance ces deux dernières phrases au visage : « dépêchez-vous, on ferme dans 5 minutes… Vous êtes le dernier passager ».

Stand d'embarquement
Stand d’embarquement

Alors là, ma folie avait atteint son paroxysme ! Je sortis dans le hall de l’aéroport en trombe. Je n’avais plus mes esprits en place. Je n’avais plus le temps de réfléchir. Je n’avais plus de temps de choisir : quoi enlever quoi laisser. Comme un fou, je refermai mes yeux pour retirer à nouveau tout ce que je pouvais retirer.

Et pendant que je luttais avec mes bagages tout en sueur, j’entendais à maintes reprises une voix annoncer dans tout l’aéroport d’Abidjan : « le passager Yobouet Koffi Benjamin…est prié de bien vouloir se présenter pour embarquement IMMÉDIAT » !

Imaginez à ce moment, le degré de ma folie parce que de toute ma vie, c’était la première fois qu’on « hurlait » mon nom dans un aéroport. J’étais à deux doigts de rater mon vol et pour quel motif ? Eh bien : bagages excédants ! Que c’est drôle !

Lorsque quelques minutes plus tard à l’embarquement j’entendis enfin « ok , c’est bon maintenant monsieur pour vos bagages », j’ai laissé échappé un large sourire, un long soupir.

 Dans le vol Brussels Airlines
Dans le vol Brussels Airlines

J’ai retrouvé tous mes esprits que lorsque j’ai pris place dans mon siège N° 32 A les yeux fermés vers l’hublot de l’avion qui décollait déjà. Destination : Bruxelles puis Paris ! Ouf ! Je vous l’ai dit, j’ai failli devenir fou. C’était mon 11 septembre à moi…!

Vous voulez lire d’autres billets ? Retrouvez-les tous ICI. Très bonne lecture à vous 🙂


Ahou, la blanche

Elle est Africaine, née dans le fin fond au centre de la Côte d’Ivoire. Ahou, c’est d’ailleurs le prénom que lui a donné sa grand-mère au village. Ahou, le prénom qu’on donne à toute fille qui voit le jour un jeudi chez les “Baoulés” en pays Akan. Ahou, un prénom purement africain que portent joyeusement ces jeunes filles ivoiriennes dans cette partie du pays.

Ahou la benguiste et la blanche

Seulement voilà, il a fallu que notre Ahou monte dans un avion. Il a fallu qu’elle s’éloigne un tout petit peu de ses racines. Il a fallu qu’elle foule le sol européen pour que “Ahou”, la PETITE africaine devienne la GRANDE blanche, la benguiste comme on le dit au pays des éléphants.

Aujourd’hui, Ahou est devenue plus blanche que les blanches elles-mêmes. Elle parle comme elles. Elle s’habille comme elles, se maquille comme elles. Bref, Ahou vit comme les blanches. Elle vole de ses propres ailes… Bonne nouvelle, n’est-ce pas ? Mais…

Mais jusque-là, tout va bien, car comme elle aime le dire souvent : « Je m’intègre, je m’ « européanise » : où est le problème ? » Il y a aucun problème Ahou. Il n’y a aucun problème à s’intégrer, à s’accoutumer, à s’adapter aux réalités d’un continent différent de celui d’où on vient : l’Afrique.

Mais, eh oui, il y a, en fait, un “MAIS”. Le problème, donc, est le suivant. Ma très chère sœur, pourquoi n’affirmes-tu plus ton origine, ta culture, cette belle africanité dont tu devrais être si fière ?

culture africaine
La belle culture africaine. Crédit : mrslorettarsmith0 – Pixabay.com

Ahou la benguiste, reste toujours fière de ton origine : l’Afrique

Aujourd’hui, lorsqu’on t’appelle “Ahou” dans la rue ou en public, pourquoi rejeter ce joli petit prénom qui rappelle toujours ton origine africaine ? Non, excuse-moi, mais je ne t’appellerai pas “Prisca” ou “Ahou, la blanche” comme tu le souhaites tant. Tu sais pourquoi ? Parce que pour moi, tu es et resteras “Ahou”, tout simplement. La “Ahou”, la belle africaine, celle qui sait d’où elle vient, celle qui connait ses racines.

Ahou, je ne veux pas te blâmer, je veux tout simplement que tu comprennes une chose. On peut parcourir des pays et des pays, des capitales et des capitales. On peut voyager à travers le monde entier, avoir des responsabilités, avoir un statut respecté et respectable sans toutefois et demeurer toujours fière de ce qu’on est.

L’eau chaude n’oublie jamais qu’elle était froide

Saisis donc cette belle opportunité que la vie t’offre aujourd’hui pour montrer et rappeler aux yeux du monde que tu es Africaine et fière de l’être. La réussite ne doit en aucun cas être un frein ou un obstacle. Il n’est jamais tard dans la vie pour faire le bien, dit-on.

L’eau chaude n’oublie jamais qu’elle était froide ”. Connais-tu ce proverbe africain ? Je sais que tu reviendras sur de meilleurs sentiments. Je sais, oui, je le sais… Salut Ahou l’africaine et la benguiste !

JIFA 2016_affiche

PS: Ce texte s’inscrit dans le cadre de la journée internationale de la femme africaine célébrée le 31 juillet 2016. J’ai le plaisir de faire partie des blogueurs sélectionnés pour participer à cette belle célébration. Je vous invite justement à découvrir les beaux textes que vous proposent Guillaume et Anthony à leur tour.
Le thème de cette année est le suivant « Des racines et des ailes ». Merci à Grâce Bailhache pour cette belle collaboration. Plus d’infos sur le site de la JIFA.

Benjamin Yobouet

Vous voulez lire d’autres billets ? Retrouvez-les tous ICI. Très bonne lecture à vous


Non, rentrer ce n’est pas échouer

La dernière fois, j’échangeais avec une amie benguiste congolaise que j’ai rencontrée à la bibliothèque universitaire. Elle m’expliquait que ses parents au pays l’avaient interdit de rentrer chez elle. À vrai dire, comme vous à l’instant T, j’ai été un peu choqué.

Quand ses parents s’opposent au retour de notre benguiste au pays

Choupette, c’est son prénom, séjourne en France depuis plusieurs années pour les études. « Mon cher, je finis mes études cette année. Lorsque j’ai dit à ma mère que je rentrerais bientôt, elle a piqué une de ces crises ».

« Ô ma fille, qu’est-ce que tu viendras faire ici ? Hein ? C’est la honte que tu veux mettre sur moi ? Tu imagines ce que les gens diront et raconteront si tu rentres? Pardon, restes là-bas, c’est mieux. Ne pense même pas un instant à rentrer. Oublie ça ! Ô, qu’est-ce que tu viendras chercher ici, dans ce pays où la pauvreté et le chômage ont pris le dessus ?

Tu veux venir faire quoi ici, dis-moi ? Errer dans les rues ou rester couchée à la maison comme beaucoup de jeunes ici ? Non, ne me fais pas ça, reste là-bas ! Moi et ton père, on fera tout pour que tu ne manques de rien. Toi, tu as la chance de quitter ce pays où la vie est de plus en plus difficile. Tu as eu la chance d’aller en France, chez les blancs et tu veux revenir pour souffrir ici ? C’est ça ? S’il te plaît, ma fille reste là-bas, il n’y a rien au Congo. On ne veut pas te voir ici ! »

Voici ce que maman m’a fait sortir lorsque je lui ai fait part de mon vœu de rentrer. Elle ne m’a même pas laissé le temps de lui expliquer pourquoi je voulais rentrer. Je veux rentrer, parce qu’après tout c’est mon pays non? Je veux rentrer parce que le pays me manque, ma famille, mes amis, mes connaissances…

Rester ou rentrer, une question d’objectif, de vision de chaque benguiste

benguiste-diaspora africaine-amour
L’amour pour son pays d’origine (Kinshasa, RD Congo) – Source : staticflickr.com

Je veux rentrer, parce que je me sens mieux chez moi, ici la vie est si difficile et dure à mener avec son lot de contraintes (titre de séjour, intégration, emploi…). Je veux rentrer parce que je souhaite travailler ou entreprendre au pays.

Trouver du boulot ici n’est pas une mince affaire, les impôts ne badinent pas avec ceux qui désirent entreprendre. Ne suis-je pas libre de rentrer chez moi ? Maman laisse-moi rentrer. Mon pays m’appelle, mon continent me réclame. Non, rentrer ce n’est pas échouer.

Je l’écoutais religieusement relater ces conversations avec sa mère. Choupette n’avait pas tort. Du tout ! Rentrer chez soi, au pays, est-ce synonyme d’échec ? Non, cela ne veut forcément pas dire qu’on est passé à côté de la réussite. Même si dans le jargon ivoirien, on dit que « galère de « Bengue » (Europe) est mieux que galère du pays ».

En effet, beaucoup de nos amis, de nos connaissances, des membres de nos familles pensent que rentrer au pays c’est échouer et que rester en Europe, c’est réussir. Non ce n’est toujours pas vrai. Il y a plusieurs Africains qui sont rentrés et qui respirent la vraie réussite et la prospérité.

Rentrer pour participer au developpement du pays (Afrique)
Rentrer pour participer au developpement du pays (Afrique). Source : Pixabay.com

Par contre, certains d’entre eux qui ont décidé de rester sont toujours en quête du mieux-vivre. Ils se cherchent eux-mêmes et pour la plupart ne se sont pas encore retrouvés. Telle est la réalité ! Ce n’est donc pas une affaire de verbes : rester ou rentrer. Non, c’est une question d’objectif, de vision, de volonté, de destin…

Le plus important est de laisser et de ne point juger celui ou celle qui choisit de rester ou de rentrer. Ma chère choupette, saches que tu es libre de faire ton choix : le choix qui vient du plus profond de ton cœur.

Et peu importe les « que-dira t-on » ? Ta maman comprendra un jour, tes amis, tes connaissances aussi… Parce que rentrer, ce n’est pas échouer. Non !


Benguiste : il faut prendre RDV

Il y a quelques semaines, je ne me sentais pas très bien. J’ai jugé bon d’aller voir mon médecin. Lorsqu’elle m’a aperçu dans la salle d’attente, elle m’a fixé avec un air étonné.  » M. Yobouet, avez-vous pris un rendez-vous  » ?  » Non « , ai-je répondu. Elle m’a alors dit :  » Désolé M. Yobouet, je ne peux pas vous recevoir, vous le savez, il faut prendre un RDV « .

Benguiste, il faut prendre RDV chez le médecin même si tu es malade

Au lieu de m’irriter, sa réponse m’a plutôt fait sourire. Je lui ai répondu ceci :  » Je comprend mais désolé Madame, la maladie n’a pas pris de RDV aussi chez moi « . Sur cette phrase, presque tout le monde a pouffé de rire, évidemment elle aussi. C’est finalement par la force des choses que j’ai pu être consulté après de longues minutes d’attente.

Prendre RDV chez le medecin
Prendre RDV chez le medecin – Libre de droit @ DarkoStojanovic

« Il faut prendre RDV », c’est la même phrase qu’on m’a lancée une autre fois à l’université de Toulon. C’était d’ailleurs la première fois en 2014, que j’y mettais les pieds pour mon inscription. Pourtant, j’avais tous mes documents et mon dossier complet. Copies originales et photocopies des diplômes obtenus, pré-inscription, visa long séjour, chèque, contrat de bail, même mes relevés de notes de la maternelle (rires 🙂 )…bref tout ce qu’on pouvait demander.

J’avais maintes fois insisté auprès de la femme à l’accueil, mais elle m’a fait comprendre que ce n’était pas possible. Ce n’était pas possible tout simplement parce que je ne figurais pas sur la liste des personnes ayant RDV ce jour. Il fallait donc que je prenne obligatoirement un RDV sur le site de l’Université quelques jours à l’avance avant de me présenter. « C’est noté madame, merci », lui ai-je répondu avant de prendre congé d’elle.

Benguiste, il faut prendre RDV chez le médecin même si tu es malade
Avez-vous pris un RDV ? – Libre de droit @ Alexas_Fotos

Déçu et dégoûté à la fois, je suis sorti de l’université en jetant un coup d’œil à ma montre. Il était 15 heures. Je me suis dit alors, pourquoi ne pas faire un tour à la banque pour ouvrir mon compte d’autant plus que c’était indispensable et surtout que le temps le permettait. A peine avais-je pénétré dans l’agence la plus proche que l’un des conseillers à l’accueil m’a fait comprendre également qu’il fallait que je prenne un RDV. Encore ? Oui, encore parce qu’aucun conseiller ne pouvait me recevoir avant au moins une semaine.

Pour un benguiste prendre RDV partout devient souvent angoissant

Mince ! Dis-donc ! Quel est ce pays dans lequel rien ne se passe sans RDV ? Hein ? J’ai donc réalisé qu’en Europe particulièrement en France « prendre RDV » était le refrain de pratiquement tout le monde. Prendre rendez-vous en toutes choses et en toutes circonstances pour un benguiste est, en réalité, une démarche incontournable. Incontournable parce que même avant d’aller dans certains salons de coiffure, un de mes amis français prend bien avant un RDV.

Rappelez-vous à la préfecture pour le renouvellement du titre de séjour, le benguiste doit prendre RDV deux mois minimum à l’avance. Même son de cloche à l’église, par exemple, quand il s’agit de rencontrer un prêtre, on vous dira de prendre un RDV. Ce n’est pas tout, même pour rendre visite ou séjourner chez des amis ou des connaissances, il faudra au préalable prendre RDV ( appeler ou prévenir). Ici, c’est en somme une société où l’on prévoit tout, où l’on planifie tout, où l’on programme tout.

Toujours prendre RDV en toutes choses
Toujours prendre RDV en toutes choses – Libre de droit @ Geralt

Pas besoin de rendez-vous au pays pour une quelconque démarche

Or, dans ma Côte d’Ivoire natale, tout ceci n’est pas nécessaire. Qui vous dira même de prendre RDV avant de s’inscrire à l’école, à l’université, de prévenir un ami qu’on viendra le voir, d’appeler la banque pour savoir quand est-ce qu’on pourra passer ? Qui ? Personne !

A Abidjan, pas trop de protocole à faire à ce niveau, on débarque quand on veut et où on veut. Peu importe qu’on ait pris RDV ou non. La preuve, un de ces jours, un parent au village avait débarqué chez nous en pleine nuit et vous savez quoi ?

Maman n’avait pas eu d’autre choix que de bien l’accueillir et le recevoir. En effet, si elle ne le faisait pas ainsi, elle risquerait d’être la risée de tous demain dans la famille élargie. Et c’est sûrement l’une des choses à éviter chez nous en Afrique !

Benjamin Yobouet

Vous voulez lire d’autres billets? Retrouvez-les tous ICI , très bonne lecture à vous 🙂